4  Des entreprises attentistes freinent sur l’investissement

Perspectives 2025-2026 pour l’économie française

conjoncture
déficit public
politique budgétaire
politique monétaire
taux souverain
inflation
France
investissement
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliation
Clémence Briodeau
Publié le

9 avril 2025

Modifié le

15 avril 2025

Après trois années de reprise de 2021 à 2023, l’investissement des entreprises s’est retourné en 2024. La formation brute de capital fixe (FBCF) des entreprises non financières a diminué de 1,6 % par rapport à 2023, mais reste 6,5 % au-dessus de son niveau pré-Covid. Par produits, ce sont essentiellement les services d’information-communication, dont le taux de dépréciation est élevé, qui contribuent positivement à cette croissance. Cependant, leur progression plus faible en 2024, cumulée à la baisse des investissements en produits manufacturés et en construction expliquent le recul par rapport à 2023. Ainsi, le taux d’investissement brut des sociétés non financières (SNF) s’établit fin 2024 à 22,2 % de la valeur ajoutée brute. Dans un contexte marqué par une forte remontée de l’incertitude, une hausse de la fiscalité et de faibles tensions sur les capacités de production, nous anticipons une poursuite du repli de la FBCF des entreprises en 2025 de -1,0 %, la transmission de la baisse des taux directeurs de la BCE au coût du capital restant encore limitée. Les faibles perspectives de demande dans l’industrie et les soldes d’opinion sur les carnets de commande en dessous de leur moyenne1 renforcent cette prévision. Le taux d’investissement brut atteindrait alors 21,9 % de la valeur ajoutée fin 2025 et se stabiliserait à ce niveau en 2026 avec la légère reprise de la croissance et la diffusion des baisses passées de taux (graphique 4.1).

1 Voir l’INSEE

Graphique 4.1. Taux d’investissement et taux de marge des SNF

Le taux de marge (EBE/VA) des SNF s’est replié fin 2024, de 0,2 point de valeur ajoutée par rapport au 3e trimestre, pour atteindre 32,2 % de la valeur ajoutée. En moyenne sur l’année 2024, il a reculé de 0,8 point par rapport à 2023. Au niveau sectoriel, ce recul s’explique principalement par la baisse du taux de marge dans l’industrie, pénalisée par une progression limitée des prix de valeur ajoutée ainsi qu’un repli de la production, mais atténuée par la reprise dans les services marchands. D’un point de vue macroéconomique, la situation financière globale des entreprises reste néanmoins favorable, le taux de marge des SNF fin 2024 demeurant plus d’un point au-dessus de son niveau d’avant la crise sanitaire. Toutefois, cette bonne tenue des marges masque une importante hétérogénéité entre branches d’activité. Elle est essentiellement portée par la branche de l’énergie (graphique 4.2), bénéficiant de la hausse des prix de ses produits. Les marges se sont également améliorées dans les services depuis fin 2019, en particulier les services de transport et aux entreprises. Selon nos prévisions, le taux de marge se replierait début 2025, atteignant 31,6 % de la valeur ajoutée au 2e trimestre, sous l’effet d’une hausse de la fiscalité sur les entreprises. Il se redresserait ensuite, porté par des gains de productivité supérieurs à la hausse du salaire réel en 2026.

Graphique 4.2. Contribution à la variation du taux de marge depuis le T4 2019

L’hétérogénéité des situations, malgré une situation macroéconomique relativement favorable, se reflète dans les défaillances d’entreprises qui ont atteint un niveau record en 2024 : 66 121 en décembre cumulé sur douze mois (contre 59 342 en moyenne de 2010 à 2019)2. Elles ont augmenté de 17,4 % en glissement annuel, bien que le rythme continue de ralentir. Cette progression est notamment due à un phénomène de rattrapage, après la réduction significative des défaillances, liée aux dispositifs de soutien à l’économie pendant la crise sanitaire. On estime que plus de 120 000 entreprises devraient encore être concernées par ce rattrapage3.

3 Bruno Coquet, Éric Heyer, 2025, « La productivité retrouve des couleurs », OFCE Policy brief 142, avril 2025

Enfin, le ralentissement de l’investissement en 2024 s’explique aussi du côté du financement. Depuis juin 2024, la BCE a engagé une baisse de ses taux directeurs, mais elle ne s’est que partiellement répercutée sur le coût de financement des entreprises, encore contraint par la hausse des taux longs en 2024 (graphique 4.3). L’effet de soutien à l’investissement des entreprises reste donc modéré. Ainsi, en décembre 2024, le taux d’intérêt moyen des nouveaux crédits bancaires reculait à 4,2 %, tandis que la croissance des encours de crédits des entreprises atteignait 2 %. Cette progression, portée par la hausse des crédits à l’investissement compensant le repli des crédits de trésorerie, reste néanmoins en-deçà des 5 % observés en moyenne en 2019. Par ailleurs, après une forte baisse au 2e trimestre, l’autofinancement des entreprises – leur épargne brute rapportée à leur investissement – est remonté à 89 % fin 2024, un niveau toutefois inférieur à sa moyenne de 98 % sur la période 2011-2019.

Graphique 4.3. Taux d’intérêt et taux de croissance des nouveaux crédit